Les livres de voyage


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Emile Guimet (1836-1918)

 

Mirages indiens
Le voyage de Guimet (1876) n'est qu'un bref séjour de repérage : il s'agit de dresser l'inventaire des principaux sites sacrés de l'Inde du Sud, cette terre «où les pagodes sont plus anciennes que la mer». Tout en évoquant les fastes d'une civilisation où l'histoire et le mythe se confondent dans la même splendeur, il n'oublie pas de décrire avec une pointe d'alacrité les spectacles qui sont offerts à sa vue, cheminot indien ou l'armée du rajah de Tanjour. La seconde partie de la plume de Le Bon est moins intéressante.

Le cheminot indien
p46 - J'admire l'attitude consciencieuse des gardiens de la ligne. Dans ce pays où tout métier représente une caste, où, pour avoir des employés dans les maisons de banque, il a fallu créer la caste des teneurs de livres et celle des caissiers, chacune reconnaissable à la coiffure spéciale que portent ses membres, dans l'Inde, dis-je, il a fallu forcément, pour pouvoir exploiter les chemins de fer, inventer la caste des aiguilleurs, providence à trois francs par jour, comme disait Gustave Nadaud. Cette nouvelle classe religieuse a dû prendre pour patron quelque dieu de l'Olympe védique, peut-être Skanda, l'Apollon au char lumineux, ou Vishnou Waganon monté sur sa voiture de flammes. Et l'aiguilleur, campé devant le train, accomplit le rite avec conviction, avec le sentiment ému et recueilli d'un prêtre illuminé par les pénitences et qui va voir passer le «dieu». La toilette sacrée a été soigneusement faite; son turban aux plis savants est irréprochable, sa chenti drapée autour des reins, suivant les prescriptions, se termine sur le devant par les bouts flottants que l'être de fer et de feu agitera de son souffle. Les deux drapeaux symboliques, l'un blanc qui veut dire «attention», l'autre rouge qui signifie «arrêtez», sont soigneusement enroulés autour de leurs bâtons et portés verticalement dans la main gauche.
Le dieu a crié au loin; il apparaît d'abord comme une mouche, puis il grossit, roule comme un serpent, s'avance comme la flèche. L'homme alors se pose de biais au pied du poteau qui porte la foudre, il étend le bras droit devant l'être terrible qui passe rapide comme Vayu, avec un bruit de tonnerre. Le rite est accompli. Grâce à ce geste fatidique, tout un peuple, que le dieu portait dans ses flancs, a traversé l'espace, et c'est ce simple adorateur qui l'a lancé vers les régions inconnues.
Voilà bien un des exemples de ce que peut la créature la plus infime! Quelle impression doit ressentir cet homme au moment où il mesure sa puissance, où il sent peser sur sa tête la responsabilité de tout un Olympe!
Sa femme, accroupie dans sa cahute à chèvre, ne voit pas sans effroi ces scènes pleines d'épouvante, et ses enfants, trop jeunes encore, cherchent à comprendre le sens de toutes ces choses étranges.

 

Tanjour
p101 - Sur la place, une foule attend et regarde les soldats, les bayadères, les éléphants, les grands dignitaires qui viennent au-devant du souverain. L'occasion est solennelle, car le rajah est allé à Dehli proclamer, avec tous les rajahs de la péninsule, la reine d'Angleterre impératrice des Indes.

Les grands dignitaires sont vêtus de blanc et ont des turbans très artistement agencés. Les éléphants portent sur leur dos des espèces de reliquaires; on a peint leurs trompes en rouge rayé d'or et leurs oreilles en bleu. Les bayadères sont correctes et ont la beauté froide qui les caractérise.

Quant à l'armée, représentée, je suppose, par un simple échantillon, elle est des plus cocasses. Les soldats sont vêtus de la défroque de l'armée anglaise; les costumes, variés de forme et de couleurs, remontent à toutes les époques; on pourrait trouver là des témoins de toutes les guerres des Indes. Je ne sais si les sabres, les briquets, les coupe-choux et les épées peuvent sortir de leurs fourreaux, mais les fusils sont en bois, entièrement en bois, ce qui est prudent par la chaleur qu'il fait; un trou qui simule la bouche du canon est orné d'un plumet. Les officiers ont pour coiffure des turbans ou des bonnets en papier doré; les soldats ont des shakos de jonc tressé recouverts de toile cirée, et les musiciens, car il y a une fanfare, portent un casque antique de dragon Louis XV.

Le lecteur va me faire observer que j'oublie l'important. Lorsqu'on décrit l'armée d'une nation, il faut étudier avec soin comment elle est chaussée. Les soldats du rajah de Tan jour portent-ils le brodequin, la botte, le soulier découvert? Ont-ils la guêtre dans le pantalon ou le pantalon dans la guêtre ? La guêtre, elle-même, est-elle lacée ou, ce qui est le plus intéressant, a-t-elle des boutons?... L'intendance de Tanjour me paraît avoir résolu cette grave question de la manière la plus heureuse et la plus économique : les soldats du rajah marchent nu-pieds.
 

 

 

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