Henri Michaux (1899-1984) |
"J'écris pour me parcourir. Peindre,
composer, écrire: me parcourir. Là est l'aventure d'être en vie"
Henri Michaux
"Passages" (1950).
Cette volonté d'exploration le conduit à rejeter tout engagement politique ou social, il explore des territoires en friche pas des institutions ou des codes morales
Misérable miracle, la mescaline
Compilation de remarques
A Ceylan, un jeune homme à bicyclette me croise à toute vitesse. Mais une
minute après, il était à mes côtés, la bicyclette à la main. Il me tendit la
main, "poor boy, no money". Il avait une bicyclette toute neuve, merveilleuse, à
changement de vitesse. Il semblait bien portant, jeune, enthousiaste. Je fus
très heureux de pouvoir l'aider. Qu'un jour seulement je puisse mendier en auto,
et rencontrer une âme compatissante."
"Aux Indes on peut s'habituer à ne manger que du riz, à ne plus fumer, ni boire
d'alcool ou de vin, à manger peu. Mais être entouré de laideur, c'est la
dernière austérité. Elle est très rude. Pourquoi tant de laideur ? En ce peuple
vieux de trois mille ans, le riche a encore les goûts d'un parvenu."
"La peur des humiliations est tellement chinoise qu'elle domine leur
civilisation. Ils sont polis pour cela. Pour ne pas humilier l'autre. Ils
s'humilient pour ne pas être humiliés."
Le Japon : "Peuple prisonnier de son île, de son masque, de ses conventions, de
sa police, de sa discipline, de ses paquetages et de son cordon de sécurité.
Mais d'autre part, le plus actif du monde, le plus maître de soi. Ayant
reconstruit Tokyo en dix ans; colonisé et reboisé la Corée, industrialisé la
Mandchourie. Conquis, modernisé, battu des records... et enfin ce que tout le
monde sait... Peuple, enfin, dénué de sagesse, de simplicité et de profondeur,
archisérieux, quoique aimant les jouets et les nouveautés, s'amusant
difficilement, ambitieux, superficiel et visiblement destiné à notre mal et à
notre civilisation."
"Le Malais, le seul peuple qui fasse des constructions qui me plaisent. En
Malaisie, il n'y a pas de maisons laides pour gens du peuple. Si vous en voyez
une, un Européen ou un Chinois y habite. Le Malais, si je ne m'abuse, est
accueillant, plein d'humour, moqueur. Le Malais aime la correction. Le batik est
très correct. Leur coiffure encore davantage. Ni sobre, ni pur, ni éloquent,
mais convenable. Ils ont tous du maintien. Malais, Javanais, Balinais; le
maintien n'a rien d'excessivement digne, fier ou transcendantal, non. C'est du
maintien. A Bali les Hollandais sont parfaitement ravis de posséder une île où
les femmes vont la poitrine nue. Aussi ont-ils, une fois pour toutes, interdit
l'entrée de l'île aux missionnaires qui auraient tôt fait de dissimuler les
poitrines et en même temps l'intérêt touristique de l'île. S'il en vient un,
c'est secrètement, dans le plus stricte incognito et avec de faux passeports,
comme un communiste russe."
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