Les livres de voyage


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Corrado Ruggeri

 

À table avec les cannibales

"Pour ceux qui croyaient seuls les Anglais capables de promener en Papouasie leur humour, voici Corrado Ruggeri, sans les défauts des Britanniques et avec tous ceux des Italiens. Parti remonter le temps dans ce bout du monde, il a le chic pour se fourrer dans des situations impossibles, qu’il soit coincé Pour ceux qui croyaient seuls les Anglais capables de promener en Papouasie leur humour, voici Corrado Ruggeri, sans les défauts des Britanniques et avec tous ceux des Italiens. Parti remonter le temps dans ce bout du monde, il a le chic pour se fourrer dans des situations impossibles, qu’il soit coincé dans une bataille intertribale ou dans les bras d’une Américaine nymphomane.

Heureusement, il va rencontrer là-bas quelques anges gardiens qui lui feront découvrir les jardins d’ancêtres peuplés de squelettes, les Hommes-Perruques qui se confectionnent de drôles de couvre chefs avec les cheveux de leurs femmes et de leurs enfants, les esprits de la forêt qui apparaissent parfois la nuit, et puis beaucoup d’autres merveilles, comme aussi beaucoup de tristes conséquences de l’occidentalisation."

 Des rencontres qui suscitent des sentiments contradictoires, le vieux Francis, les missionnaires, le Sing-sing.


 


 

 

Le vieux Francis

p117 - Je veux bien croire que ces coquillages aient eu un effet bénéfique sur le vieux Francis. Daniel prétend ne pas connaître l'âge de son père, ce qui est fréquent dans les sociétés primitives, mais ce dernier m'a tout l'air d'avoir au moins quatre-vingts ans. Il paraît jouir d'une santé excellente. Petit et très maigre avec un visage de rapace, il n'est absolument pas conforme à l'idée qu'on se fait habituellement d'un cannibale, en tout cas à l'idée que je m'en faisais moi : grand et gros avec une énorme bouche et des dents aussi acérées que des crocs. Un ogre, en somme. Francis tient plutôt du vautour avec sa face rugueuse et sa peau semblable à du papier de verre, avec son nez fin et crochu orné d'un petit os pas si petit que ça — le diamètre d'un doigt. Pour rendre le tout plus attrayant, un deuxième os s'ajoute au premier dans une composition que même le plus audacieux des orthopédistes n'aurait pu imaginer. Comment fait-il pour respirer, si tant est qu'il respire ? Mystère.

Dans sa jeunesse Francis fut un guerrier impitoyable, un féroce mangeur d'hommes. Maintenant que son âge et le christianisme lui ont interdit les festins de chair humaine, il exhibe son glorieux passé au moyen d'une parure que seul un grand chef peut porter : plumes de cacatoès et de paradisier, colliers de noix de bétel et d'os provenant de divers animaux, gigantesque et précieux couvre-chef fait de paille tressée et de bois travaillé, avec sur le devant deux cornes agressives, symboles d'autorité et de courage.

— Grand chef Francis, je suis heureux de faire votre connaissance.

Il répond par un signe de tête puis un sourire, mais sans ouvrir la bouche.

— Daniel, crois-tu qu'il faille attendre longtemps avant qu'il s'exprime ?
— Mon père est le big man, le chef de ce village : s'il a quelque chose à te dire, il t'adressera la parole.
— Et qu'est-ce que je fais en attendant ? Du lèche-vitrine ?
— On peut s'en aller tout de suite si tu as peur de t'ennuyer !
— Bon, excuse-moi...

Je sors mes cigarettes : personnellement je ne fume pas, mais l'expérience m'a appris qu'elles étaient particulièrement utiles dans ce type de contrée où l'appétit de vices occidentaux récemment introduits est féroce.

Francis fume et l'odeur du tabac lui délie la langue :
— Quand j'étais jeune, je croyais ce que croyait mon peuple. Tuer n'était pas une faute, c'était une preuve de courage qu'on donnait une fois qu'on était devenu un homme, une fois qu'on avait accompli le rite d'initiation qui fait mourir l'enfant et naître le guerrier. Après le combat j'étais heureux de rentrer au village en traînant les vaincus, heureux de célébrer le grand sing-sing de la victoire : on montait là-haut, sur cette petite éminence, et on coupait la tête aux prisonniers. Les têtes roulaient vers le fleuve et les femmes couraient les rattraper sur la rive. Elles étaient importantes dans notre tradition, ces têtes, parce qu'on ne pouvait rien bâtir si le poteau central ne reposait pas sur le crâne d'un ennemi. Il valait mieux placer une tête sous chacun des piliers d'une construction, mais ça n'était pas si simple de tuer tout ce monde, bien qu'aucun sugurman, aucun esprit du mal ne soit jamais entré dans une maison reposant sur autant de crânes ennemis.

Je suis aussi attentif qu'un enfant qui écouterait son grand-père, mais à ma fascination se mêle un certain malaise en songeant qu'à l'endroit même où je suis assis ont roulé les dizaines de têtes tranchées par Francis et ses compères. Daniel a raison : il y a quelque chose de tragique dans la magie de ces lieux.

Nous sommes pourtant assis tous les trois autour d'un feu qui crépite joyeusement. Le village —moins de dix maisons plus l'haus tambaran — prépare le repas du soir à base de poisson et de sagou. Bruits de casseroles et piaillements d'enfants, et puis aussi une radio venue rompre le charme préhistorique dont j'avais un peu surestimé la puissance en voulant me croire au temps du cannibalisme plutôt qu'à celui du repentir.

Mais un grand silence se fait soudain, et je vois passer devant moi un fier jeune homme vêtu comme les autres d'un pagne végétal assorti de feuilles autour des biceps, mais à la démarche singulièrement majestueuse, franchement royale. Il resplendit au sens propre du terme. Sa tête brille en effet de mille petites lumières clignotantes, autant de minuscules points blancs qui, dans la nuit, nimbent d'un scintillement magique sa face dont on ne distingue pas les traits. Il nous frôle : Francis sourit, Daniel sourit, mais moi je reste bouche bée sans rien comprendre. Je regarde simplement avancer ce corps sans visage illuminé comme un sapin de Noël.

Il glisse plus qu'il ne marche. Pas le moindre soubresaut, aucun mouvement de la tête. Sans le léger balancement de ses jambes on pourrait penser que la terre rouge de ce pays le porte en triomphe à travers ce qui est devenu pour quelques instants un village fantôme, un village figé dans une mort apparente. C'est comme si quelqu'un avait ôté la vie à tous ces sens qui se sont pétrifiés devant le spectacle de cette Epiphanie païenne. Et puis le jeune homme au port altier s'évanouit dans les ténèbres avec son auréole, le scintillement de points blancs faiblit jusqu'à s'éteindre complètement. Alors la vie reprend son cours dans le village, et l'on entend de nouveau casseroles, enfants et radio.

— Ce sont nos esprits, commente Daniel. Ils viennent rarement jusqu'à nous. Leurs visites signifient qu'ils nous assurent de leur protection. Les masala apparaissent entourés de lucioles qui leur servent de cochers. Ensuite ils disparaissent. Tu as de la chance d'en avoir vu un.

Je demeure silencieux, ne sachant quoi répondre.

Je ne crois pas une seule seconde que le garçon qui est passé devant moi puisse être un esprit. Je ne le crois pas parce que c'est absolument impossible. Mais alors qui était-ce ? À supposer qu'il se soit agi d'un adolescent du village et que les autres se soient mis d'accord pour se taire quand il apparaîtrait, il n'en reste pas moins la troublante question des lucioles. Je n'avais jamais vu personne marcher avec des lucioles fixées dans la chevelure aussi solidement que des bigoudis, et pour réussir ça le gamin en question doit être doté d'un étrange pouvoir.

— N'essaie pas de te servir de tes structures mentales pour comprendre ce à quoi tu viens d'assister, m'avertit Daniel. Nous croyons aux esprits, et c'était un esprit. Tu te demandes peut-être si l'hostie que tu manges au moment de la communion est bien le corps du Christ ? Tu le crois simplement, parce que tu as la foi. Eh bien nous aussi nous avons la foi, et elle vaut la tienne.

— Je ne le conteste pas, mais quelque chose me chiffonne : tu m'as dit que Francis s'était converti et que toi aussi tu étais devenu chrétien, alors quel rapport avec les esprits ?

Francis lève le bras pour demander le silence. Sur une question aussi délicate il veut intervenir seul :
— Avant l'arrivée des missionnaires nous connaissions seulement l'existence des esprits et cela nous suffisait. Ensuite on nous a parlé du grand homme qui est au ciel et on nous a appris à le prier. Moi je crois ce que croit mon peuple, mais je ne cherche pas les ennuis et je prie aussi l'autre dieu.

Ce petit arrangement de Francis n'entache nullement son autorité. Son fils le respecte d'abord en tant que chef.

— C'était un guerrier extraordinaire, me confie Daniel, et c'est toujours un big man sage et juste, très apprécié de la tribu mais aussi des esprits qui lui rendent visite de temps à autre, comme tu as pu le constater. Je souhaite de tout coeur ne pas le décevoir lorsqu'il ne sera plus.
— Tu voudrais lui succéder ?
— Parfaitement. Tu trouves ça bizarre ?
— Un peu. Ta vie est bien différente de celle de ton père : tu manges et tu dors au Lodge, tu fréquentes des Occidentaux, tu portes des chaussures à cent dollars, tu couches avec des touristes. Difficile de renoncer à tout ça...
— Mon esprit est ici, dans le village où je suis né. Comment dites-vous ? Des racines ? Bien sûr que j'aime l'argent et le confort, mais je ne laisse pas mon âme se corrompre. Tiens, je vais te montrer quelque chose.

En me regardant droit dans les yeux il ouvre sa chemise en jean. Bouton après bouton il découvre un large thorax, une peau glabre et ambrée qui me troublerait presque. Il ne conserve que son tout petit short en jean.

Le vieux Francis est parti se taper un beignet de sagou, sorte de hamburger végétarien qui est la spécialité locale ; je l'aperçois en train de mastiquer devant un autre foyer. Nous sommes seuls, Daniel et moi.

— Je n'ai jamais fait ça avec aucun Occidental, me dit-il, mais toi tu m'es sympathique et je crois pouvoir te faire confiance, alors je vais te montrer. Regarde !

Il se tourne lentement. Son thorax ample et lisse, orné seulement des deux mamelons plus sombres, disparaît peu à peu dans cette torsion du bassin qui révèle toute la puissance de la ceinture abdominale. Enfin le dos apparaît, et c'est un spectacle horrible, le fruit d'un acte de barbarie que je juge bien inutile mais qui fait la fierté de Daniel.

— Voici la preuve que j'aime mon peuple et nos traditions. Tu as devant toi le dos d'un crocodile. Il est le résultat du rituel initiatique le plus impitoyable et le plus douloureux qui soit. Celui-là seul qui le supporte jusqu'au bout peut devenir big man.

Je reste bouche bée une nouvelle fois. D'abord un esprit en balade, et maintenant cet orgueilleux étalage de cicatrices qui sont autant de preuves de courage données sous la torture.

— Ça ne va pas ? demande Daniel.
— Si, je compte les cicatrices...
— Il y en a soixante.

Ce dos monstrueux ressemble véritablement à celui d'un crocodile avec toutes ces boursouflures, ces excroissances qui se sont formées au cours d'une cérémonie terriblement douloureuse. On a pratiqué des incisions au couteau et à la lance, puis enfilé sous la peau des aiguilles et des morceaux de bambou très affûtés qu'on a laissés là pendant des heures, tandis que l'initié perdait du sang, voire connaissance.

— Il arrive qu'un garçon meure, mais dans ce cas on annonce à la mère que son fils est parti avec un esprit. Elle le croit et ne souffre pas.

Les initiés, eux, souffrent le martyre. Mais ce rituel n'est plus un passage obligé dans l'existence des jeunes gens de la région : les missionnaires se sont employés à faire oublier cette tradition-là aussi. Il n'empêche qu'on peut toujours subir l'épreuve à condition d'y mettre le prix, en argent comme en souffrances.

— C'est seulement comme ça que peut mourir l'enfant et naître l'homme, lance Daniel. C'est seulement comme ça qu'on peut être un big man.

Étrange que le plus convaincu des gardiens d'un passé agonisant soit précisément ce jeune homme, le seul au village à avoir goûté à la modernité, le seul à avoir regardé au-delà de la courbe du fleuve, le seul à avoir gagné assez d'argent pour vivre pas trop mal. La décision de Daniel n'est pas un caprice, elle est le fruit d'une conviction profonde, d'une aspiration vitale :
— Je veux me sentir proche du masala qui me guide. Je le veux parce que j'en ai besoin.

Il croit à l'esprit du crocodile, l'un des plus puissants, et aux esprits de la forêt, de l'eau, des rochers.

— Si j'ai un problème je m'adresse à mon masala et je lui sacrifie des animaux. Je tue des poules et des chiens, mais jamais de cochons. Ils coûtent trop cher. Ensuite je prie en espérant que l'esprit exauce mes désirs.

J'écoute Daniel sans pouvoir détacher mon regard de ce dos, de ces épaules transformées en râpes.

— Tu peux toucher si tu veux.

Je tends la main pour frôler les petites protubérances. Cette ébauche de caresse m'inspire tout à la fois du dégoût et une admiration pleine de respect. Je songe à notre petite peur des piqûres alors que je n'arrive même pas à imaginer le supplice enduré par Daniel. Sans doute y a-t-il une pointe d'ambition dans son ardeur à devenir big man, mais il veut surtout réaliser un idéal, demeurer fidèle aux traditions de son peuple sans s'égarer dans un monde qui n'est pas le sien et qui ne lui plaît pas, mais dont il tire ce qui l'arrange.

— Que devrais-je faire ? M'enfermer au village et renoncer à l'argent que je gagne en tant que guide ? Nous sommes à la frontière entre deux mondes : d'un côté, confort et désert spirituel; de l'autre, vie dure et richesse intérieure.
— Ne crois pas pouvoir tirer le meilleur des deux à la fois.
— Je sais bien. Si j'en choisis un je perds l'autre. Voilà pourquoi ma vie actuelle n'est qu'une étape : je reviendrai ici, et alors je serai heureux... J'avais quatorze ans lorsque mon père m'a demandé si je voulais être initié. Je savais combien cela serait pénible pour moi et onéreux pour lui. Il a dû payer la somme rondelette de mille kina. Cet argent a été distribué aux parents et amis qui prendraient soin de moi après la cérémonie.

J'allais passer six mois dans l'haus tambaran sans jamais sortir. C'est ainsi qu'on grandit. Une vie normale implique qu'à quatorze ans on s'intéresse aux filles et qu'on se contente de l'affection de ses parents, alors que dès cet âge il faut apprendre les secrets d'une vraie spiritualité.

Ai-je affaire à un possédé ? S'il était musulman on le traiterait de fondamentaliste ; s'il était catholique on le rangerait dans la catégorie des culs bénis. Cependant son zèle ne nuit à personne : Daniel n'est pas un violent, il ne pose pas de bombes. Il défend seulement son droit à rester comme il est. Comment ne pas l'approuver ?

— Je me souviens du jour de l'initiation. On m'a réveillé à six heures pour me conduire dans l'haus tambaran où les anciens du village m'attendaient avec leurs flûtes. Le visage blanchi, ils portaient le costume traditionnel : pagne à base de paille, couvre-chef sacré, touffes d'herbe aux bras. Les femmes restées dehors entouraient ma mère qui se préparait à affronter la peur, un filet noir sur la tête. Les anciens m'ont pris par la main et m'ont fait asseoir au centre de la maison des esprits, au son des flûtes et au rythme des tambours taillés dans des troncs d'arbre en bois tendre. Ensuite ils se sont divisés en deux groupes qui se sont peu à peu rapprochés en battant le sol avec de grandes palmes pour chasser les esprits maléfiques et s'attirer la protection des masala. Puis ils m'ont fait allonger nu sur une pirogue renversée et m'ont offert un morceau de bois que je pourrais serrer entre les dents pour supporter la douleur. Je n'ai pas oublié les premières aiguilles qu'on m'a enfilées dans le dos ni la manière dont les anciens me pinçaient la peau pour les introduire plus vite. On commence toujours par les pointes les plus fines. Quand on arrive aux lances, la souffrance est si intolérable et l'initié si affaibli qu'il s'évanouit le plus souvent. Cela m'est arrivé à moi aussi après m'être laissé martyriser par des dizaines de pointes. Je ne me suis réveillé que le matin suivant, et alors seulement les flûtes se sont tues après toute une nuit de musique. Je venais d'entrer dans une vie nouvelle. La vraie vie. Il me fallait attendre que mes blessures guérissent et les frotter avec des palmes pour que les cicatrices restent bien visibles. Ensuite je serais enfin libre d'aller chasser seul, de prendre femme et d'avoir des enfants. Grâce à l'initiation, grâce au sacrifice de ma peau, j'étais devenu plus fort, à l'intérieur comme à l'extérieur. Fort comme un crocodile.

 

Les missionnaires

p144 - Le mot « missionnaire » est bien vu en Papouasie, sans doute aussi, et peut-être surtout, du fait qu'à côté de leurs églises ces gens en soutane construisent écoles et hôpitaux. Ils ont apporté avec eux l'instruction et la médecine. Pour beaucoup d'indigènes, le message divin se confond avec l'oeuvre des hommes. Ils préfèrent ce genre de faits bien concrets aux paroles, ayant remarqué que les missionnaires ont une fâcheuse tendance, dès qu'ils se mettent à causer, à leur reprocher leur mode de vie pour les exhorter à en changer.

La Papouasie-Nouvelle-Guinée compte 18 diocèses, 22 évêques et 1 225 000 catholiques, 524 prêtres et 906 soeurs, 339 missionnaires et 2 304 catéchistes. Chacune des 330 paroisses dispose d'un dispensaire. En outre, les religieux gèrent 70 hôpitaux, 2 léproseries, 4 hospices de vieillards, 142 orphelinats et 21 centres de conseil aux familles.

— Notre vie est dure mais pleine de satisfactions, me raconte le père Pietro, en Papouasie depuis cinq ans.

Il s'est d'abord établi à l'est, dans les îles Trobriand, un petit archipel rendu célèbre par l'anthropologue britannique Bronislaw Malinowski.

— Les premiers temps là-bas n'ont pas été faciles. Le climat est malsain, il pleut énormément. La malaria fait rage, et aussi la dysenterie, l'ulcère tropical et diverses maladies de la peau. En quelques mois j'ai quasiment tout attrapé. Mais le plus éprouvant pour nous missionnaires, surtout au début, reste l'isolement, la solitude. Il est difficile d'établir une relation d'amitié avec les indigènes. On se heurte d'abord au problème de la langue : chaque tribu possède la sienne et l'anglais ne suffit pas. À cela s'ajoute la difficulté à appréhender une culture locale fondée sur une conception animiste de la vie : le moindre événement, la moindre chose reçoit une explication magique, et cela ne rend pas la population très accessible.

Les apôtres de l'an deux mille n'en survivent pas moins, aiguillonnés au contraire par les obstacles. Ceux qui viennent ici pour soigner des âmes se retrouvent souvent à devoir réparer un générateur, un camion, un cyclomoteur, une pompe à eau, un système d'air conditionné. Mais quand on leur demande s'il leur arrive d'avoir des regrets et de vouloir rentrer chez eux, personne n'avoue ce genre de tentation :
— Celui qui choisit la voie de la mission a pour seul désir de remplir la mission que Jésus ressuscité a confiée aux apôtres.

Depuis l'installation des missionnaires au milieu du dix-neuvième siècle, beaucoup sont morts : les premiers arrivants ont fini à la casserole, chassés par des anthropophages qui ne faisaient pas dans la dentelle ; la plupart ont succombé à la maladie ; d'autres encore ont été victimes d'accidents. C'est le cas du père Giuseppe Panizzo, originaire de Vénétie, mort à cinquante-trois ans le 20 avril 1994 : son petit avion s'est écrasé à soixante-dix kilomètres de Vanimo, tout au nord de la Papouasie, à la frontière avec l'Irian Jaya.

— Le père Giuseppe était un merveilleux missionnaire, rapporte Pietro. Il oeuvrait au Brésil quand il fut nommé ici. Le nouvel évêque avait besoin d'un pilote pour accéder facilement aux paroisses éloignées.

Giuseppe, qui avait obtenu son brevet en Amérique, accepta aussitôt. Certains parmi nous prétendaient qu'il cherchait surtout à exercer son hobby, à satisfaire un caprice, mais lui croyait que le progrès technique pouvait aussi servir à l'extension du royaume de Dieu.

Peu après son arrivée, le pilote missionnaire écrivit ceci à son ancien supérieur resté en Amazonie :
«Je vole d'une paroisse à une autre. Les gens m'abordent avec leurs problèmes : ils veulent que je leur rapporte des médicaments, des manuels scolaires, des crayons, des piles, de la nourriture. Et moi j'écoute, je cours, j'essaie de les satisfaire. Je les regarde dans les yeux ; eux m'observent à leur tour et sourient. J'ai enfin surmonté la période la plus difficile, celle du désert initial.

« L'autre jour je volais au-dessus des montagnes et des forêts, entre deux orages. Soudain m'est apparu un grand arc-en-ciel. Il était vraiment près de moi, dans toute la splendeur de ses couleurs vives. J'ai songé alors à ce passage de l'Ancien Testament où Dieu dit à son peuple que l'arc-en-ciel est le témoignage de Son amour pour lui. Tout seul à deux mille mètres d'altitude j'ai remercié le Seigneur. Pour moi, pour toi et pour tous ceux que je connais. »

L'arc-en-ciel et le jeune homme sans visage auréolé de lucioles renvoient au même message d'amour. Une telle analogie entre christianisme et animisme peut sembler difficilement imaginable, mais peut-être est-ce une contradiction de plus sur cette terre de contrastes.

Les merveilles de la nature fascinaient le père Giuseppe, mais elles avaient aussi de quoi l'inquiéter lorsqu'il était aux commandes de son petit monomoteur.

— En Amazonie, avait-il confié à l'évêque, les atterrissages sont faciles : on a tout le fleuve pour soi, or les fleuves sont très larges, y compris dans les méandres. Ici, au contraire, il y a partout des montagnes et les pistes sont minuscules. Si on se trompe de quelques mètres, on y reste.

Et puis il craignait les monomoteurs :
— En cas de problème on a plus de chances de s'en tirer si l'avion possède deux moteurs.

Cet après-midi-là il n'a rien pu faire. Il regagnait Vanimo avec à son bord quatre enseignants qu'il avait emmenés faire cours dans une lointaine école. Au sol on a vu l'avion piquer, s'écraser et prendre feu. Les causes de l'accident n'ont jamais été éclaircies.

— Le père Giuseppe, se rappelle monseigneur Cesare Bonivento, son évêque, n'était pas seulement un excellent pilote et un fou d'aviation. C'était d'abord un pilote missionnaire prêt à risquer sa vie pour le Christ, et il en fut ainsi. Sa vie il ne l'a pas perdue bêtement, il l'a donnée au sens littéral du terme, généreusement. En vrai missionnaire.

Neuf mois après sa disparition, Jean-Paul II a débarqué à son tour en Papouasie. Mais il ne disposait pas d'assez de temps pour visiter des missions aussi isolées que Vanimo, perdues au fin fond d'une région seulement accessible par avion et nommée pour cette raison « territoire des fossiles vivants ». La visite d'un souverain pontife a notamment pour but de consacrer le travail de l'Église et celle de janvier 1995 n'a pas dérogé à la règle.

— Le parlement de Port Moresby, s'est entendu dire le pape, reconnaît que les missionnaires ne se sont pas limités à prêcher des principes moraux ; ils se sont beaucoup engagés en matière d'éducation, tant pour la scolarisation que pour la formation professionnelle, aidant ainsi la nation à consolider son indépendance et sa souveraineté.

Et encore :
— Il est absolument faux de prétendre que les indigènes menaient une vie tranquille et idyllique avant que les missionnaires viennent soi-disant les déranger avec la prédication de l'Évangile.

Mais la visite pontificale a aussi nourri une réflexion critique. Jean-Paul II a donné des instructions précises que l'un des évêques du pays, Charles Moore, s'est chargé de transmettre dans une lettre aux prêtres :
« Certains de nos comportements peuvent donner l'impression à la population locale que nous cherchons à commander et à faire prévaloir nos idées en toutes circonstances. Étant donné que cela peut nuire à notre action pastorale, je vous prie tous instamment d'écouter les gens. Ce pays est leur nation. Nous voudrions améliorer leurs conditions de vie mais nous ne pouvons dicter nos choix. Nous devons être plus respectueux envers les personnes nées ici, et certains d'entre vous ne le sont absolument pas. »

Le père Pietro est d'accord :
— Nous ne devons pas imposer nos conceptions de la civilisation et du progrès ni céder à la tentation par excellence du missionnaire : le désir d'agir beaucoup et vite en faisant construire écoles, dortoirs et dispensaires. Celui de nos missionnaires qui a su plus que les autres toucher le coeur des gens d'ici est un prêtre discret et travailleur qui cultivait son petit bout de terre comme les locaux. Il était très aimé et cependant il n'avait bâti ni écoles ni hôpitaux. Cela ne signifie pas qu'il faille renoncer à vouloir porter assistance aux autres, bien au contraire, mais que la conversion des âmes peut passer par des actes tout simples.
Autrement dit, pour se faire aimer il faut savoir respecter les autres.

— On a tendance à ne plus considérer l'histoire des missions comme la diffusion libératrice d'un message d'amour mais comme une simple histoire d'aliénation et de violence, a reconnu monseigneur Ratzinger.

Et il semble bien qu'en Papouasie-Nouvelle-Guinée certains missionnaires trop occupés au «salut des sauvages » ne soient pas disposés à comprendre les cultures locales ni même à reconnaître leur existence.

— Il n'y a plus d'initiatives musclées depuis bien longtemps, se défend le père Pietro. Nous ne brûlons plus les idoles, nous n'obligeons plus personne à répudier son passé et ses traditions. Nous considérons au contraire qu'il existe dans chaque coin du monde des valeurs qui ont leur raison d'être, fussent-elles en contradiction avec le message évangélique. Nous devons donc faire en sorte que la foi chrétienne puisse s'exprimer au sein de ces cultures.

Ça ne se passe pas toujours très bien. On n'aime guère à raconter ces histoires de religieuses papoues qui, en visite dans leur famille, quittent l'habit pour le pagne et oublient d'aller à l'église où elles ne remettent même plus les pieds le temps d'une messe dominicale. Et ça n'est pas tout : le baptême ne garantit pas forcément la conversion. Bien sûr, on fait aussi sa communion puis un mariage en bonne et due forme. Il se peut même qu'un évêque bénisse l'union. Mais à l'heure de la mort, quand les esprits des ancêtres sont sur le point d'accueillir le défunt, on n'en revient pas moins à la tradition pour ne faire courir aucun risque à l'être cher qui s'en va vers l'inconnu.

— Il y a des années que je vis ici mais j'ai dû assurer tout au plus une dizaine d'enterrements, avoue le père Pietro.

L'évangélisation n'aurait donc pas eu les effets escomptés. Nombre de missionnaires soutiennent d'ailleurs que ce peuple a du mal à conceptualiser Dieu. La seule part de surnaturel dans son quotidien concerne le culte des esprits des ancêtres qui, selon la croyance populaire, sont tous réunis dans un endroit secret où ils mènent une existence paisible, sans les problèmes des mortels.

— Les parents ne se soucient pas de l'éducation des enfants et les adultes obéissent à l'instinct de vengeance, même si de nos jours l'action de la police a réduit le nombre des morts, raconte le père Pietro. Dans les îles Trobriand, par-dessus le marché, certains styles de vie sont contre nature.

Des bataillons entiers de missionnaires aguerris ont combattu cette société de l'amour libre sans parvenir à détruire des traditions séculaires trop appréciées encore pour être éradiquées en quelques décennies.

Dans ces îles, en effet, les parents doivent veiller à ce que leurs filles ne s'ennuient pas la nuit et s'égaient au contraire avec des jeunes gens. Mais attention ! Ne prenez pas vos désirs pour des réalités : les étrangers sont catégoriquement exclus de ces pratiques.

Pour faciliter les rencontres, chaque village dispose d'une maison appelée bukumatula. Elle est fréquentée seulement par les quatorze-quinze ans, lesquels ne font pas dans le détail et ne veillent pas particulièrement à passer la nuit avec une seule et même personne. Une sexualité aussi effrénée maintient le taux de natalité à un niveau élevé, mais d'après les Trobriandais le mérite n'en revient pas à l'homme, complètement étranger à la procréation. C'est l'esprit de l'île qui descend sur la tête de la femme et donne la vie. Non seulement le père — risquons tout de même le mot — ne joue aucun rôle dans cette histoire, mais il est en outre complètement exclu du processus éducatif. La société est matrilinéaire : l'enfant n'appartient qu'à sa mère et il est élevé par ses grands-parents maternels.

Si certains missionnaires sont horrifiés par les moeurs des jeunes Trobriandais, d'autres tentent de les en détourner sans les condamner.

— Ce peuple est très attaché aux traditions de ses ancêtres, explique le père Pietro. Aussi respecte-t-il énormément ses chefs pour leurs pouvoirs magiques.

Il faut toujours écouter les big men qui inspirent la peur, sinon on risque d'être sévèrement puni, voire de mourir. En un sens, ils jouent le rôle de Dieu. Dans une société aussi fermée, les enfants ne peuvent que reproduire les comportements des adultes. Ils ne disposent d'aucun autre modèle éducatif. L'Église doit donc entreprendre un travail de longue haleine si elle veut pouvoir changer les mentalités.

Les missionnaires vivent dans des maisonnettes de bois, parfois seuls, parfois à deux ou trois, avec une religieuse et un laïc bénévole qui se dépense sans compter. Ce sont autant de petits groupes à qui la foi donne des ailes. Pour ma part, j'ai une vision laïque de la mission, avec des actes concrets et le moins de paroles possible, mais je comprends que ceux qui ont choisi de servir l'humanité au nom de Dieu aient des principes, obéissent à certaines règles. Je reconnais la valeur de leur sacrifice, de leur disponibilité, de leur sourire, j'aime leur voir tendre la main avec toujours quelque chose à offrir, ne serait-ce qu'une caresse. Leur exemple réveille en moi une foi que ma vie d'Occidental a profondément enfouie.

Dans cette église de bois perdue au milieu de la jungle, le signe de croix me semble plus vrai. Pas besoin de grands discours : chacun de ces hommes porte sa propre croix de souffrance et de solitude ; il n'a de lien avec le reste du monde que par cette seule radio qu'on allume deux fois par jour, à sept heures du matin et cinq heures de l'après-midi. Ni Dieu ni la technologie ne lui ont concédé plus.

 

 

Sing-sing

p178 - Il y a du monde sur la route de Minj. Pas des voitures, non, mais des gens venus à pied des villages environnants, des vallées voisines et même des coins les plus perdus. Ils avancent en colonne sur le bord de la chaussée. Leurs pieds larges et calleux ne craignent pas l'asphalte rendu brûlant par le soleil. C'est une étrange marche pour la paix, un défilé allègre, dans la tradition franciscaine, comme on en voit à Assise. Ici aussi, en cette contrée de guerriers, la fin des hostilités est célébrée dans la joie ; on est heureux de se retrouver, on a l'âme en paix. Les Konumbuka se sont battus contre les Kondika pour venger la mort d'un des leurs ; voici rétablis les liens de fraternité entre ces deux peuples, et les autres tribus s'unissent à leur réconciliation. Ce n'est pas seulement la vallée, c'est la région tout entière qui a retrouvé son harmonie.

Sing-sing pour tout le monde, donc. Sing-sing gigantesque, avec des corps de ballet exceptionnels, des sacrifices, des visages peints comme je n'en avais encore jamais vu, des parures resplendissantes, de très longues plumes d'oiseau perchées sur les têtes — « elles fleurissent le ciel », dit Jerome, le plus ému de nous trois car cette terre est la sienne.

On ne participe pas à un sing-sing comme à une fête de village bien arrosée ou à un comice agricole. C'est un rite sacré. Les tambours traditionnels en forme de cylindre qui rythment les gestes et les danses sont tendus de peau de casoar pour rendre un son pur et chaud. Les mains qui frappent sont grandes, avec un pouce presque aussi long que les autres gros doigts. D'autres mains, tout aussi robustes, traînent vers le lieu du sacrifice une cinquantaine de porcelets provenant des deux tribus qui espèrent ainsi se gagner les faveurs des esprits.

Les corps se mettent en mouvement. La musique ne couvre pas encore les cris des cochons enfermés dans de petites cages, les pattes liées. Les guerriers qui tout à l'heure encore se livraient bataille en short ou en jean, un casque jaune sur la tête, exhibent maintenant des torses huilés ornés de perles, de coquillages, de plumes, avec aussi des marques de boue ou des tatouages dont un artiste de la Renaissance pourrait avoir réalisé le dessin. Ils n'ont pas l'air si mauvais que ça ces sauvages à l'âme noble. Cruels mais sensibles, les mêmes qui peuvent tuer un homme passeront des heures à suivre le vol d'un papillon.

Ils agitent leurs bras comme s'ils battaient des ailes, et le rythme ensorcelant du sing-sing les plonge dans un état proche de la transe. Leurs pieds battent le sol et la poussière qui s'en dégage est une sorte d'effet spécial, un nuage de fumée émis directement par la nature et non par l'un de ces canons électroniques utilisés dans les concerts de rock. Tous ces visages sont auréolés de plumes rouges qui cachent les chevelures et retombent sur les yeux. D'autres plumes, noires celles-là, partent de la nuque pour s'envoler vers le ciel, et à chaque mouvement le panache qu'elles forment oscille avec l'élégance naturelle et voluptueuse d'une ballerine.

Ces hommes de la préhistoire me font songer à la troupe du Bolchoï et à celle de Béjard. À cette différence près qu'ils n'ont jamais appris le métier de danseur et qu'ils sont mus par leur seule sensibilité. Ils grognent comme de vrais sauvages, hurlent comme les supporters du dimanche au stade, crachent comme les boxeurs sur le ring, puis ils bougent la tête et leur diadème de plumes ondule alors avec la grâce d'une danse des sept voiles.

En face d'eux se tient un peloton de femmes dont la poitrine est en partie cachée sous une carapace de tortue. Chaque visage est un chef-d'oeuvre. Le fond du maquillage est rouge. C'est un rouge cardinal, intense, violent, magnétique, barré de fines raies blanches qui sont comme autant de longues larmes. Blancs sont aussi le contour des yeux, l'arrête du nez, les lèvres. À contempler ces créatures on est si ému qu'on sent s'éveiller une pulsion refoulée au plus profond de soi par des tabous immémoriaux. Elles battent des mains, secouant les dix, les vingt rangs de coquillages de leurs colliers, et j'en fais autant, emporté par la frénésie du sing-sing.

— Libère ton esprit, m'avait dit Daniel.

Il s'est envolé sans que je fasse rien. J'ai tout oublié, je ne distingue plus les vendeuses d'arachides, je ne sens plus l'odeur des beignets dont les enfants sont si friands, je ne fais plus attention à mes voisins ni au regard étonné de mes compagnons. Dans cette poussière qui me brûle les yeux et rend ma bouche sèche, je me baisse pour voler à la terre une poignée de boue. Je veux ressembler à un Mudman.

Un guerrier à la barbe noire s'approche avec de la couleur dans les mains, du rouge et du jaune. Dans le lobe percé d'une oreille il s'est enfilé une cigarette. Il me maquille les yeux qu'un cercle de feu enflamme soudain ; il me peint aussi le nez. Ensuite il danse avec moi, et moi avec lui. Autour de nous tout disparaît. D'abord j'entends seulement au loin les tambours, puis je sens monter en moi un drôle de chant, aussi doux qu'impétueux, un chœur, mais muet. Daniel m'avait prévenu :
— Quand ils apparaissent, m'avait-il raconté cette nuit-là au bord de la rivière, les esprits peuvent aussi se mettre à parler.

Maintenant je reconnais ces voix délicates et puissantes, je reconnais cette harmonie : ce que j'entends, c'est le chant des lucioles.

 

 

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